Lyons-la-Forêt : un peu d’histoire

Découvrez l’histoire singulière de ce village classé parmi Les Plus Beaux Villages de France®

Initialement installé au bord de la Lieure dans le quartier du Bout-de-bas, l’existence de Lyons-la-Forêt, nommé Leons jusqu’au XIe siècle, remonte à l’époque gallo-romaine. Les traces d’un théâtre du IIIe siècle, conçu pour accueillir jusqu’à 2000 personnes, attestent d’un habitat lié à l’existence d’une route romaine Rouen – Beauvais qui traversait la Lieure à cet endroit.

Lyons-la-Forêt, quartier du Bout-de-Bas et église Saint-Denis, ISMH © ML Vittori

La création du duché de Normandie par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, signé en 911 entre Charles Le Simple et Rollon, change le cours de l’histoire de ce petit village proche de la frontière entre le royaume de France et le duché de Normandie.

Une forteresse médiévale au cœur de la forêt de Lyons

Guillaume le Conquérant ordonne en 1060 la construction d’une place défensive sur un éperon rocheux situé à 600 m du site initial du village, qui avait pris le nom de Saint-Denis-en-Lyons, en référence à l’église Saint-Denis, dont la présence est attestée dès 1050.

Son fils cadet, Henri 1er Beauclerc, roi d’Angleterre et duc de Normandie, fait ériger un château-fort au début du XIIe siècle. Le village se réorganise alors autour de cette forteresse, qui commandait les forts situés en vallée de l’Andelle comme Vascoeuil ou Pont-Saint-Pierre.

Ce château était constitué d’un donjon de pierre de 18 mètres de large, assis sur cet éperon rocheux étendu à 7000 m2. Il était flanqué d’une annexe au nord, de quatre tours carrées d’une architecture proche de celle de la tour de Londres et d’une basse-cour à l’est, emplacement actuel de la place Benserade.

Anciens remparts, Halle et vestiges d’une tour de l’ancien château fort de Lyons © ML Vittori

Le plan de visite de Lyons-la-Forêt permet d’en situer les principaux éléments et de comprendre la configuration si particulière du village. Les anciens remparts ainsi que l’une des anciennes portes d’entrée sont visibles au niveau de l’ancien couvent de Bénédictines. Un pan de mur de l’une des anciennes portes d’entrée est reconnaissable à ses silex saillants, le long de l’ancienne Maréchaussée, à deux pas de la stèle évoquant Henri 1er Beauclerc, mort en son château de Lyons en 1135 d’une indigestion de lamproies.

Un lieu prisé des ducs de Normandie et des rois de France

Réputée pour être giboyeuse, la forêt de Lyons a toujours été l’un des plus prestigieux domaines de chasse royale et l’est restée jusqu’à la Révolution française. Ducs de Normandie et rois de France, tous fervents amateurs de vènerie, se sont succédé à Lyons-la-Forêt. Richard Coeur de Lion, Philippe Auguste, Louis IX (Saint Louis), Philippe Le Bel et Charles IX venaient y chasser, mais aussi y gouverner. Cent-dix chartes royales ont été adoptées entre 1050 et 1298 au château de Lyons.

Charles IX (1550-1574) fût le dernier roi à y séjourner régulièrement. Tombé amoureux de la toute proche vallée de l’Andelle, il avait décidé d’y édifier un château à Charleval, qui lui doit son nom. Le projet resta inachevé à la mort du roi.

Un patrimoine bâti des XVIIe et XVIIIe s. préservé

C’est au XVIIe et XVIIIe siècles que la plupart des maisons à colombages ou briques du village constituant le patrimoine bâti actuel du village sont construites. Un incendie en 1590 explique le faible nombre de maisons datant d’une période antérieure.  Le château de Croix-Mesnil situé sur les hauteurs de Lyons, ainsi que ceux de Fleury-la-Forêt, Saint-Crespin et Rosay-sur-Lieure datent également du XVIIe s.

Maison à encorbellement à Lyons-la-Forêt © Mathilde Mortecrette

Une petite capitale administrative au XVIIIe siècle

Au XVIIIe siècle, le duc de Penthièvre, dernier seigneur de Lyons, fait de Lyons-la-Forêt une cité administrative : il y ordonne la construction d’une salle de bailliage, petit tribunal local et fait entièrement rénover la halle. Lyons-la-Forêt devient ainsi une petite capitale administrative habitée de notables, dont beaucoup de profession judiciaire.

Le village compte alors 1 650 habitants.

L’hôtel de ville et son ancienne salle de bailliage du XVIIIe siècle

La Révolution française fait disparaître cette unité administrative. Le village s’endort, échappant successivement à la révolution industrielle, qui profita davantage au développement de la toute proche vallée de l’Andelle, puis aux bombardements lors de la Première Guerre Mondiale. Seul l’ancien couvent de Cordeliers apportera une courte activité industrielle dans le village jusqu’au XIXe siècle : ses bâtiments conventuels accueillent une fabrique d’indiennes, toiles qui étaient lavées dans la Lieure avant d’être imprimées, puis par une verrerie. Un incendie détruit l’église du couvent et met un terme à cette activité en 1852.

Un village préservé et redécouvert au XXe siècle

C’est à la Belle Epoque, à la faveur de l’arrivée de l’automobile et de la découverte des côtes normandes par les premiers parisiens en recherche de lieux de villégiature que le village reprend vie.

En quête de lieux inspirants proches de la capitale, des artistes découvrent ce trésor au patrimoine préservé et en font un lieu de résidence prisé. Certains y acquièrent une demeure, tels le décorateur-ensemblier Jacques-Emile Ruhlmann, icône du style Art Déco, ou le peintre surréaliste André Masson. D’autres y séjournent ponctuellement ou plus régulièrement, comme le compositeur Maurice Ravel, ou encore des hommes de lettres comme Louis Aragon ou André Breton.

Maison du poète et académicien Isaac de Benserade, Maison de séjour de Maurice Ravel, maison d’André Masson © ML Vittori

Lyons-la-Forêt et le cinéma : silence, on tourne !

Les cinéastes Jean Renoir, en 1933, puis Claude Chabrol en 1991, tissent un lien indéfectible entre le roman Madame Bovary et Lyons-la-Forêt : ils choisissent Lyons comme lieu principal du tournage de leur adaptation cinématographique du roman de Gustave Flaubert. La situation géographique ainsi que le patrimoine du village présentent plusieurs analogies avec le Yonville-l’Abbaye décrit par Flaubert dans son oeuvre. En 2014, Anne Fontaine y tourne également plusieurs scènes de son film Gemma Bovery, adaptation du roman graphique du même nom, inspiré par l’œuvre de Flaubert.

Tournage de Madame Bovary, Claude Chabrol © Photos Gilbert et Christine Hardy, 1990 © Reproduction D. Jourdan – CDP-Département de l’Eure, 2020

Classé parmi Les Plus Beaux Villages de France® depuis 1993, Lyons-la-Forêt continue de séduire et d’offrir un cadre inspirant pour un séjour ressourçant. A son patrimoine préservé s’ajoute l’agrément d’une atmosphère villageoise authentique et paisible.